Sur Jolly New Songs, les Polonais de Trupa Trupa sonnent comme des rescapés de la fin du monde qui émergeraient lentement du chaos.
Trupa Trupa, du soleil derrière les nuages ?
Le monde est un champ de mines. Mais tu ne sais pas si tu dois rire ou pleurer. En avalant ton café, tu penses à tous ces hommes et à tous ces arbres qu’on abat pour abattre ses cartes. Et puis tu repenses à ta gueule. Tu enfiles tes vêtements made in China, tu sautes dans ta bagnole allemande et tu insultes les connards qui se mettent en travers de ma route. Ensuite, comme eux, tu te laisses humilier tout le reste de la journée pour un salaire de misère. Enfin, quand vient le soir, tu te saoules à la vodka pour oublier. Parfois, tu te souviens que le monde est beau, quand même. Et tu ne sais plus trop si Trupa Trupa avait raison ou tort.
Je ne connais pas Gdansk. Est-ce qu’il y fait bon vivre ? Est-ce que les raisons d’espérer y surpassent celles de se laisser sombrer ? Tout ce que je sais, c’est que c’est de là que vient Trupa Trupa. Et j’ai beau écouter de long en large leur nouvel album, Jolly New Songs, je n’arrive pas à dire si le soleil perce à travers les nuages gris. Je ne sais pas si non plus si je devrais avoir honte d’être humain ou si j’en ai rien à foutre.
Des Jolly New Songs pas jolies jolies ?
C’est que les Jolly New Songs de Trupa Trupa ne sont ni toujours jolies, ni toujours joyeuses. S’il fallait absolument trouver des adjectifs pour les décrire, je dirais qu’elles sont lucides et ironiques. En effet, après l’oppressante entrée en matière, Against Breaking Heart of a Breaking Heart Beauty, et ses rythmiques motoriques lancinantes, les Polonais dégainent le faussement léger Coffin. Sous des allures de bluette pop guillerette, il y est question de gens qui chantent pendant que les arbres brûlent. Avec Falling et Mist, l’obscurité semble encore gagner du terrain. Mais le bouquet final de l’album laisse finalement entrevoir un coin de ciel bleu.
Vous l’aurez compris, Jolly New Songs n’est pas un long fleuve tranquille. L’album est souvent déconcertant. On ne sait jamais sur quel pied danser, ni même s’il est bienvenu de danser. Trupa Trupa plonge régulièrement l’auditeur dans des atmosphères pesantes et, au moment où on s’était presque résigné, voilà qu’une éclaircie survient. Comme pour dire que, malgré toute la grisaille, il reste encore des raisons d’espérer.