Où il est question de questions auxquelles on ne répond pas, de regards qui en disent long, de passeport pour une nouvelle vie et d’une bouffée d’oxygène…
On aura l’air un peu distrait. Ils nous poseront des questions auxquelles on ne répondra pas. On regardera au loin, par-delà les gens qui nous parlent, comme s’ils étaient devenus transparents. Ils nous traiteront d’impolis, de mal-élevés, mais on n’entendra plus rien. Les mots glisseront sur nous comme la pluie sur un imperméable.
Ils essaieront de nous rattraper. Ils se rappelleront des regards, des phrases, qui en disaient long et qu’ils n’ont pas su interpréter. Des signes avant-coureurs. On aurait dû le voir venir, regretteront les uns. J’ai toujours su qu’il y avait quelque chose de pas net avec lui, affirmeront les autres. Bien sûr, on ne leur donnera pas d’explication. Ils ne comprendraient pas, de toute façon. On ne résume pas une vie en quelques dialogues malhabiles.
Il y aura une voiture. Il y en a toujours dans ces histoires-là. Un passeport pour une nouvelle vie. On changera les plaques d’immatriculation. On cassera les rétroviseurs. On évitera les grands axes et les longues lignes droites. Sur les routes tortueuses, on laissera notre passé se mêler aux gaz d’échappement. Cheveux au vent, enfin libéré de nos petits échecs quotidiens, on se surprendra à respirer. C’était donc ça, vivre ?
On farfouillera dans la boîte à gants. On oubliera ce qu’on y cherchait : un briquet, peut-être, ou un paquet de chewing-gums, peu importe. On en ressortira un objet circulaire avec un trou au cœur. Un disque, avec écrit dessus en lettres capitales “RUN”. Trois lettres et un visage de profil, complices de notre fugue. En insérant ce disque dans le lecteur, on se dira que, quand même, c’est dingue comme un disque peut vous changer la vie.
La première fois qu’on l’a écouté, ce disque, c’était dans un autre décor. Ciel gris, mines austères, cohue matinale, embouteillages, nœud de cravate en travers de la gorge. On se regardait le nombril et puis, d’un coup, un mec se pointait et on comprenait qu’on était en train d’oublier de vivre. On ne savait pas qui était Talisco. Mais sa musique, c’était comme une bouffée d’oxygène quand on est au bord de la noyade.
On avait beau être entre quatre murs, on les voyait les grands espaces, les plaines arides, les chevauchées fantastiques. On s’est dit : “Putain, c’est la bande-son de la vie qu’on pourrait avoir”. Il y avait l’adrénaline, les décharges électriques. Il y avait les silences, les battements de cœur. Il avait tout compris, Talisco. C’était ça, au fond, la liberté. Courir, courir, jusqu’à ce qu’on s’envole…
TALISCO – Run from zack spiger on Vimeo.