Keaton Henson est de retour avec Kindly Now, un troisième album où l’Anglais continue son introspection tout en prenant quelques risques payants.
Hello Keaton Henson…
Le jour est gris sous le ciel d’Angleterre. Je marche seul en attendant la pluie. Je ne sais plus à quelle heure je suis parti ni quand je rentrerai. J’ai toujours voulu de cette liberté dont je ne sais pas quoi faire. C’est beau d’être libre, mais ça fait peur aussi. Et si je venais à me perdre dans ce costume trop grand pour moi ? N’ai-je pas surestimé mes forces ? Dois-je vraiment croire en moi, moi qui, d’ordinaire, ne crois jamais en rien ? Mes pensées s’écoulent comme l’eau qui tombe de la gouttière. Et je marche.
Je marche et j’arrive devant un vieux manoir. Les rideaux sont fermés et, dehors, la nature semble avoir gagné le combat. Même les murs semblent me dire de dégager, il n’y a rien à voir. Rien à voir, peut-être, mais je l’entends. Lointaine d’abord, puis de plus en plus nette à mesure que mon oreille se ferme aux bruits parasites. Une musique douce, fragile comme le cristal, belle comme un arc-en-ciel. Quand je frappe à la porte, elle s’envole comme si elle n’avait jamais existé. Un homme vêtu avec élégance se tient devant moi. Ses gestes sont lents, aériens, d’une maladresse aristocratique. A la place de son visage, un masque de peinture épaissit le mystère. Hello Keaton Henson.
Avec Kindly Now, Keaton Henson élargit sa palette
La première fois qu’on s’est croisés, Keaton Henson vivait reclus en son fort intérieur. Désormais, il promène sa mélancolie teintée de dérision dans des lieux plus insolites. Comme d’autres avant lui, il aurait pu facilement devenir prévisible, étiquetable, sa propre caricature. Mais il a bien trop d’imagination, de créativité, de liberté. Ça lui brûle les doigts, ça lui délie la langue à tel point que, maintenant, il gravit les frontières, joue à saute-mouton avec les styles. Kindly Now, son nouvel album, n’est pas à un paradoxe près. Henson y étale ses doutes et sa fragilité. Il s’excuserait presque d’être là. C’est comme s’il était sorti de lui-même pour se regarder vivre.
Sa voix est, dirait-on, taillée pour ces complaintes éthérées. Pourtant, jamais Henson ne sombre dans l’auto-apitoiement. Il adopte la posture juste pour se (dé)peindre sans complaisance mais avec la pointe d’humour british qui rend le disque et le personnage si attachants. Musicalement, il avance dans deux directions différentes. Le disque démarre par une escapade électro (March), déroutante à la première écoute, mais qui dessine surtout de nouveaux paysages pour le talent d’Henson. A l’autre bout du spectre, l’Anglais a aussi parfait son art de la composition classique. Bien que très épuré, Kindly Now ouvre clairement d’autres horizons pour la voix de Keaton Henson. Le peintre élargit la palette de ses autoportraits et devient de plus en plus indispensable.