L’ami Frédéric m’a fait goûter aux joies de Rupa et ses poissons d’avril (cf J’ai entendu : Rupa & The April Fishes, à la Laiterie). A tout seigneur, tout honneur, c’est vers lui que je me suis tourné lorsque l’idée d’interviewer Rupa Marya est devenue évidence. A la lecture de ce qui suit, on ne peut que s’en féliciter…
Question musicale. Ce qui frappe lorsqu’on entend Rupa & The April Fishes sur scène, c’est votre extraordinaire cohésion musicale. Peux-tu nous parler de la formation du groupe ? Y a-t-il eu un casting très compliqué ?
Je suis allée pêcher dans la baie (NDLR : de San Francisco) en avril et j’ai remonté chaque membre du groupe, un par un. Ils sont sortis de l’eau avec leurs instruments en main. C’est quelque chose que je n’oublierai jamais.
Question gastronomique. Comment définis-tu “l’Electric Gumbo Radio”, et quel est le vin qui se marie le mieux avec ?
C’est le son que font les humains quand ils se réveillent et se rendent compte que nos peuples ont été privatisés et vendus au plus offrant, que notre dignité et nos droits dépendent de notre capacité à nous réveiller et à participer, que le futur de notre planète, l’eau et tous les êtres vivants dépend de notre intelligence éveillée, de nos capacités créatives collectives, du partage et de la création de nouveaux modèles économiques qui ne soient pas basées et alimentées par l’avidité et le militarisme.
Un pinot noir.
Question engagée. Peux-tu nous parler de la démarche “Build”, et de cette valise de semis qui vous accompagne autour du monde ?
Les graines sont l’avenir de notre nourriture, de nos vies. Elles ne sont ni à vendre ni gratuites. Elles font partie de notre héritage et ont été cultivées par des paysans depuis des millénaires, sans l’intervention des entreprises. Nous devons revendiquer à nouveau notre nourriture, réveiller notre sens de la relation à la souveraineté alimentaire et construire les structures nécessaires pour garder les choses qui participent de la vie dans les mains de la vie et non dans celles d’un système financier ou d’une entreprise cupide.
Question naïve. Le monde est-il dingue ? Et si oui sont-ce les médecins ou les artistes qui le sauveront ?
Le monde est endormi. Qui le réveille ? Nous tous. Chacun notre tour.
Question intello. En tant que médecin, crois-tu à la musicothérapie ?
Bien sûr. Les effets de la musique sur le cerveau, sur l’humeur, sont indéniables.
Question littéraire. On connaît ton attachement à ta ville. Quel est le livre qui parle le mieux de San Francisco ?
Shaping San Francisco de Chris Carlsson. C’est une merveilleuse histoire de combats populistes.
Question improbable. Dans la famille “Docteur et Musicien”, on trouve Rupa Marya, Gregory House et Brian May (Docteur en astrophysique). Que penses-tu des deux autres, en tant que musiciens ?
Je ne connais pas leur travail. La musique que j’écoute en ce moment, c’est Spool, Arvo Pärt et de la musique de Soweto…J’écouterai.
La question qui fâche. Ayant toi-même vécu en France, n’es-tu pas déçue de la faible affluence du public français, dans certaines salles ?
L’industrie musicale en France est très contrôlée. Y générer une audience prend du temps, pour atteindre les gens et trouver le moyen de naviguer dans une industrie très fermée. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas beaucoup tourné en France par le passé mais nous cherchons à nous développer là-bas comme nous l’avons fait dans d’autres pays d’Europe.
Question angoissée, liée à la précédente. Le public strasbourgeois est plutôt timide. Vous reviendrez quand-même à Strasbourg ?
Oui ! Nous avons adoré le public. Leurs coeurs étaient purs et généreux.
Et en VO :
Musical question : What strikes me while listening to Rupa & The April Fishes on stage is your extraordinary musical cohesion. Can you tell us about how the band was formed? Was there a hell of a casting?
I went fishing in april in the bay and dredged up each member, one at a time. They came out of the water with their instruments in their hands. It was something i will never forget.
Gastronomic question : how would you define the “Electric Gumbo Radio”. What’s the recipe and which wine would fit better with it?
It’s the sound that humans make when they wake up and realize that our commons have been privatized and sold to the highest bidder, that our dignity and rights depend on our ability to WAKE UP and PARTICIPATE, that the future of our earth, the water and all living things depends on our awakened intelligence, collective creative capacities, sharing and creating new economic models that are not based on and fueled by greed and militarism. Pinot Noir.
Committed question : Can you tell us about the “Build” approach and the meaning of this box full of seedlings that you carry all around the world?
Seeds are the future of our food, our lives. These are not for sale and not for free. They are a piece of our heritage and have been cultivated for 1000s of years by farmers, without the intervention of corporations. We must reclaim our food, awaken our sense of our relationship to food sovereignty and build the structures we need to keep the things that belong to life in the hands of life, not in any financial system or greedy corporation.
Naïve question : Is the world insane? And if so, who’ll save it : doctors or artists?
The world is asleep. Who wakes it up? We all do. One at a time.
Intellectual question : As a doctor, do you believe in musicotherapy?
OF COURSE. Music’s effects on the brain, on mood are undeniable.
Litterary question : You’re known to be fond of your hometown. Which book would best talk about San Francisco?
Shaping San Francisco by Chris Carlsson. It’s a marvelous history of populist struggles.
Unlikely question : In the “Doctor and Musician” family, there is Rupa Marya, Gregory House and Brian May (Doctor in Astrophysics). What do you think about the other two as musicians?
I’m not familiar with their work. Music i’m listening to these days is SPOOL, Arvo Pärt and music from soweto…I’ll check them out.
Question that makes angry : Having lived in France for a while, aren’t you disappointed about how uncrowded some French venues were when you played?
The music industry in france is highly controlled. To generate an audience there takes time, reaching out to people and finding a way of navigating a very closed industry. We have not toured much in france in the past because of this but look forward to growing there as we have in other places in Europe.
Anxious question, following the previous one : The audience in Strasbourg is quite “shy”. Will you still come and play in Strasbourg again?
YES ! we loved the audience. Their hearts were genuine and generous.