Je ne veux pas être équivoque mais dire que je me considère comme l’héritier d’une lignée incluant des gens comme Leonard Cohen et Joe Meek me semble présomptueux. Néanmoins, c’est vrai que j’ai hérité beaucoup des 60 dernières années de musique populaire. Je suis fasciné par les écrivains et les artistes qui semblent occuper leur propre espace. Les modes musicales sont aussi inconstantes que des midinettes en chaleur et il est rare que quelqu’un s’en détache vraiment. C’est pourquoi je me considère plus proche des songwriters. Pour revenir à ceux que vous mentionnez, ils représentent deux idées du songwriting que je garde toujours dans un coin de ma tête. Leonard Cohen a écrit des chansons audacieuses dans lesquelles chaque mot est pesé. Je ne me considère pas comme un showman mais si une chanson est écrite avec autant d’urgence que les siennes, alors la chanson fonctionne d’elle-même. Une fois que le base d’une chanson est écrite, j’essaie de ne pas la voir comme quelque chose de fini. Je crois que c’est ce sens infini de l’expérimentation qu’avait Joe Meek qui m’a montré qu’on pouvait créer un univers à l’intérieur duquel la chanson existe. Grâce à un bon arrangement, la chanson peut devenir infiniment plus puissante que les trois accords que j’ai grossièrement balancés dans ma chambre.
Vos textes semblent très inspirés par la poésie et la littérature. De quelle manière et dans quelle mesure ?
Je suis très intéressé par la littérature, de Spike Milligan à Bukowski et je trouve que l’écrit est souvent bien plus émouvant que la musique. Je ne sais pas jusqu’à quel point la ça m’inspire mais, plutôt que de prétendre que mes textes ont été inspirés par les livres que j’ai lus, je pense que, quoi que l’on produise, que ce soit un poème, une BD ou un roman, c’est toujours une perception de quelque chose que l’on a observé ou l’expression d’une pensée qui a germé d’elle-même. Alors c’est sans doute la même chose avec mes textes. Je n’aimerais pas que mes paroles ne soient qu’un simple véhicule pour accompagner une bonne mélodie, je veux qu’elles soient la racine de la mélodie. C’est peut-être l’une des plus grandes tragédies de la musique populaire: le contenu peut parfois sembler sans importance pourvu qu’il ait vaguement l’air réfléchi.
La chanson Appointment in Samara a été inspirées par le roman de John O’Hara. Quelle est votre relation avec ce livre?
En fait, à l’origine, la chanson a été inspirée par une fable irakienne anonyme sur l’incapacité à éviter son destin. C’est une nouvelle merveilleuse. Le titre de John O’Hara est tiré de la même fable. C’est un titre qui convient à n’importe quelle histoire se terminant en inévitable tragédie.
Vous êtes très jeune et, pourtant, vos textes sont assez sombres? Êtes-vous quelqu’un de pessimiste?
Je ne me considère pas comme quelqu’un de pessimiste. J’espère que mes chansons paraissent honnêtes et réalistes. Je ne comprends pas ces artistes britanniques qui prennent le premier vol vers un pays plus exotique ou un climat plus extrême dès qu’ils ont signé leur premier contrat. Les articles dans la presse disent qu’ils veulent “se perdre” ou “se trouver” mais je suis sûr que je suis entouré de toutes les émotions et les situations dont je pourrais avoir besoin pour écrire une chanson. Parfois, mes textes peuvent sembler un petit peu sombres, mais je pense que ma musique s’adresse avant tout à ceux qui ont en eux des fêlures. J’envie les insouciants et je les considère avec suspicion car il y a beaucoup de tristesse et de malheur qui restent ignorés.
Votre premier EP a été unanimement acclamé par les blogs musicaux? Êtes-vous surpris?
Oui, c’est exact. J’ai un nouvel EP intitulé Descartes Highlands qui sortira pour la nouvelle année. Dès qu’il sera sorti, je commencerai à travailler sur mon premier album. Pour l’instant, nous ne sommes pas dans l’urgence, ça a été merveilleux de laisser les choses se faire de manière organique.