Le soleil darde ses derniers rayons sans trop y croire. Les vacances d’été sont déjà loin. On a beau faire semblant, on sait bien, au fond, que l’automne finira par l’emporter.
Les plages de sable fin disparaîtront bientôt sous des amas de feuilles rousses. Elles n’existeront plus que dans les albums-photos ou les boîtes à souvenirs. Dans quelques années, on retrouvera au grenier des clichés jaunis, des coquillages usés, glanés sur la plage par les enfants que nous étions. On rira de se voir affublés de vêtements passés de mode et de coupes de cheveux depuis longtemps retirées des manuels de coiffure. Mais, une fois le vernis gratté, de quoi se souviendra-t-on ?
A chacun sa réponse, évidemment. Pour moi, ce qui reste, quand tout a foutu le camp, c’est la musique. Les chansons de Weezer, que je reprends à tue-tête sur la route des vacances – la voiture de mes parents n’est pas encore équipée d’un auto-radio. Le refrain de Summer Here Kids qui me trotte dans la tête, au bord d’une plage normande.
C’est dans la deuxième moitié des années 90 que j’ai commencé à m’intéresser de près à la musique indépendante. Weezer, Grandaddy, Pavement ont bercé mon adolescence. Alors, forcément, quand, au début de l’été, j’ai entendu pour la première fois Old Mountain Station, ça m’a fait l’effet d’une madeleine de Proust. Je me suis revu, le visage ravagé par l’acné, incapable de faire le premier pas vers une fille, la musique pour seul échappatoire.
Rivers Cuomo, Jason Lytle ou Stephen Malkmus n’étaient sans doute pas les plus beaux, les plus forts, les plus sûrs d’eux mais, d’une certaine manière, ils m’ont sauvé la vie et, certainement, celle de centaines de milliers d’adolescents. Ils redonnaient de l’espoir à toute une kyrielle de losers, de chétifs, de binoclards, de nuls en sport, d’intellos complexés. Aux membres d’Old Station Mountain ?
On retrouve, en tout cas, chez le quatuor parisien, la naïveté rafraîchissante et l’esprit lo-fi qui caractérisaient leurs aînés. Vu de l’extérieur, ça a l’air évident, presque facile. Sauf que restituer ces émotions-là en musique, c’est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Sous l’apparente nonchalance, une oreille attentive remarquera le soin porté aux harmonies et aux arrangements, une palette d’influences bien plus large que ce qu’on aurait imaginé et une application à faire de chaque titre un paysage unique. Si ça a l’air si simple, c’est que Old Mountain Station ne laisse aucun détail au hasard. C’est aussi que la production, signée Kid Loco, parvient à enjoliver chaque morceau tout en en préservant la fraîcheur originelle.
Si c’était si facile, on en verrait fleurir de partout, des disques comme celui-là. Et pourtant, ces albums qu’on écoute cheveux au vent, qui nous réchauffent le cœur et nous installent pour longtemps un large sourire au milieu de la figure, on peut les compter sur les doigts de la main…