Comme tout trentenaire perdant de sa superbe à mesure qu’il gagne en embonpoint, je vois d’un assez mauvais œil toute irruption dans mon quotidien d’une bande de jeunes gens raisonnablement beaux, gouailleurs et chargés d’une énergie sexuelle palpable. En public, je ne rate pas une occasion de fustiger leur arrogance, de moquer leur suffisance ou de railler leur apparence. Mais, bien qu’il m’en coûte de l’avouer, j’admire en secret l’éclat de leur jeunesse triomphante.
Avec le groupe qui nous intéresse aujourd’hui, tu avoueras, ami lecteur, que je suis servi. Si tu tiens à ta vie de couple, tes enfants, ton crédit immobilier, ton chien et ta berline de marque allemande, éloigne illico Madame de cet écran. Je t’aurais prévenu. Car, non contents de cumuler toutes les affreuses qualités énumérées ci-dessus, ces quatre jeunes gens sont en plus bourrés de talent. C’est terrible, je te le disais.
J’ai tout fait pour nous protéger de cette inquiétante menace. J’ai repoussé l’inéluctable, retardé au maximum la rédaction de cette chronique mais, à force d’écouter jalousement leur album, seul dans mon coin, barricadé à double tour, je crois bien que je suis tombé follement amoureux de leSpark.
Comment les présenter sans dire qu’ils mouillent les petites culottes des adolescentes tout en retardant la ménopause de leurs mères ? Et encore, je ne les ai pas vus en concert, me dit-on. J’ose à peine imaginer, sur scène, l’aura sensuelle du chanteur, Thomas Baignières, charriant son lot de hurlements hystériques et de pâmoisons tandis que Victor Le Dauphin triture fougueusement les cordes sensibles de sa guitare. Soutenus par une section rythmique de haut rang (Julia Jerosme à la basse et Antoine Chêne à la batterie), ils ont tout compris et démontrent, s’il en était besoin, que, non, vraiment, rock’n’roll is not dead.
leSpark, c’est le rock dans toute sa splendeur, dans toute sa démesure. Par instants, quand Baignières n’évoque pas Jim Morrison, Baignières et Le Dauphin me font penser au couple mythique que forment Mick Jagger et Keith Richards. A l’instar des Américains de Foxygen, ils ont cette effarante capacité à sortir des chansons que les Stones ne sont plus capables d’écrire depuis la fin des années 60. Voilà qui réclame un peu d’impertinence et, surtout, beaucoup de talent.
Loin d’être une pâle copie des fantômes du passé, leSpark est d’abord une formidable machine à digérer et à réinterpréter ses influences pour donner naissance à un univers personnel. En anglais, et bientôt en français, on les sent à l’aube d’un avenir radieux. leSpark, c’est l’étincelle qui ne demande qu’à se transformer en un gigantesque incendie. C’est chaud. Très chaud !