Depuis la naissance de ma fille, il y a un peu plus d’un mois, je rêve d’un dimanche matin sous la couette. Un léger sourire flottant sur mon visage, je m’éveillerais au monde, lentement, comme si tout, autour de moi, avait une saveur nouvelle.
Je serais nu, comme au premier jour. Page blanche. Toile vierge soumise à l’inspiration du peintre. Je ne serais ni père, ni mari, ni amant. Je serais un homme. Un homme nu. Work in progress. Je chercherais à tâtons, parmi les objets du quotidien, une feuille de papier et un stylo. Et je m’écrirais.
C’est lundi aujourd’hui. J’entends ma fille qui pleure. Impossible de faire la sourde oreille. J’oublie les réveils en douceur. Pas le temps de rêvasser. Je laisse ma première personne du singulier au vestiaire. Le monde ne s’est pas arrêté de tourner.
J’aurais grand besoin d’une pause mais le temps m’entraîne dans sa course effrénée. A 22h48, j’entrevois les premiers signes de répit. La petite maisonnée a enfin trouvé le sommeil. Je m’extrais du monde, je pose les écouteurs sur mes oreilles et me plonge tout entier dans The Bare Awakening.
Ce deuxième album de Joseph Leon n’est pas la dernière petite chose à la mode. Ce n’est pas une lubie passagère. Ce n’est pas un disque qu’on survole distraitement, en pensant à autre chose. Ce n’est pas non plus un objet qu’on rangerait dans une armoire ou dans un coin de sa tête après la première utilisation. The Bare Awakening réclame toute l’attention de son interlocuteur. Ce disque, c’est un homme qui se dévoile, sans fard et sans complaisance. Comme si Joseph Leon s’asseyait en face de vous, vous regardait dans les yeux et se mettait à nu.
The Bare Awakening est un grand disque parce qu’il se fiche éperdument du qu’en-dira-t-on, parce qu’il est le fruit d’une impérieuse nécessité. C’est l’histoire d’une renaissance, d’un combat victorieux contre tout ce qui nous plonge vers le bas. C’est le reflet d’une singularité apaisée, d’un optimisme retrouvé. C’est la marque d’un homme qui réapprend à contrôler sa trajectoire. Il y a quelque chose, dans ce disque, qui relève du don de soi. C’est sans doute la raison pour laquelle Joseph Leon s’est investi corps et âme dans ce projet, ne laissant rien au hasard ou à l’abandon.
Pourtant, The Bare Awakening n’a rien de l’égotrip nombriliste. Dans la force du verbe, dans la beauté des arrangements, Joseph Leon sort de lui-même la matière pour toucher à l’universel. S’il nous interpelle avec tant de force, c’est qu’il s’adresse, de la manière la plus sincère qui soit, à chacun de nous. Et si le disque donne parfois l’impression de s’éparpiller dans plusieurs directions musicales, c’est sans doute parce que Joseph Leon, mieux que tant d’autres, a su traduire en son la complexité d’une âme humaine.