Une sale journée de travail. Un dîner de famille qui tourne au vinaigre. La plus belle histoire d’amour qui s’éteint dans le caniveau. L’envie de cogner notre tête des mauvais jours sur le trottoir jusqu’à ne plus rien ressentir. On a tous connu ça au moins une fois dans notre vie.
On pourrait faire crisser les pneus de la bagnole sur l’asphalte brûlant, avaler des kilomètres de bitume en écoutant des vieux disques de Neil Young ou de Bob Dylan. On dormirait dans des motels miteux. On se laisserait pousser la barbe, on ferait peur aux enfants.
On se réveillerait chaque jour dans un endroit différent. On n’aurait plus de chez nous, plus de comptes à rendre. On se foutrait de tout. On tirerait la langue aux passants. On enverrait valser nos bonnes manières. On hurlerait à la lune en se saoulant avec du vieux whiskey. On serait beau.
Mais on reste là à regarder nos pieds qui ne bougent pas. Toujours trop lâches ou trop cons, on s’accommode de nos petites défaites. On se contente de ce qu’on a ou on rêve de l’Amérique comme si, du jour au lendemain, elle allait venir à nous. Heureusement, il y a des musiques qui nous entraînent ailleurs, qui nous déracinent.
La musique de Grand Balcony Twang Machine, par exemple, est une invitation au dépaysement. Les deux premiers titres de leur EP Embassy comblent, en moins de dix minutes, la distance qui sépare la French Riviera de Houston, Texas. Mais, en plus de rebattre les cartes géographiques, les trois compères rendent également caduques les frontières entre folk américain et garage-rock.
Riffs de guitare fiévreux, chant sur le fil du rasoir, Grand Balcony Twang Machine réinvente le folk des anciens pour mieux le rouler dans la poussière. Certes, les influences sont là mais le trio ne tombe jamais dans une vénération excessive. Le respect s’accompagne toujours d’un sentiment de révolte, d’une volonté d’authenticité, d’un souffle de liberté. Mêlant sens de la mélodie et intensité d’interprétation, la musique de Grand Balcony Twang Machine taille sa route dans l’Amérique fantasmée d’un Neil Young mais n’hésite pas non plus à donner quelques coups de g(riff)es à ses vinyles préférés. On n’a plus qu’une seule envie. S’asseoir sur le siège passager et partir avec eux.