Où il est question d’oiseaux qui pioncent, de penser à quelque chose d’agréable, de sauver un jour de grisaille et de prendre le temps de l’effeuillage…
Le réveil ne sonne pas. Ou je ne l’entends pas. Le soleil fait la gueule. Les oiseaux pioncent. Les enfants marchent sur la pointe des pieds. Chut, papa dort encore. Pas un bruit, à peine un murmure. Mes instructions étaient claires : je ne veux pas qu’on me dérange.
J’émerge lentement de cette nuit trop courte, comme un condamné au matin de son exécution. Je m’efforce de penser à autre chose, à quelque chose d’agréable. Mais je sais que je n’y arriverai pas. C’est plus facile de duper les autres que de se tromper soi-même.
Me voilà de retour à la case départ. En trois semaines, rien n’a vraiment changé. C’est un jour de reprise, un jour de qu’est-ce-que-je-fous-là, un jour de je-serais-mieux-ailleurs. Un jour de grisaille que seule la musique pourrait sauver. Une musique qui épouserait les contours de ma mélancolie pour devenir la bande originale de cette journée. Cette musique, je l’ai trouvée : c’est Tales Of Us, le dernier album de Goldfrapp.
Ça fait presque quinze ans que Goldfrapp construit une discographie ambitieuse, alternant folktronica intimiste et electro-pop pour danseurs intelligents. Presque quinze ans aussi que je passais à côté sans vraiment m’attarder. Cette fois, j’ai pris le temps de la découverte, de l’effeuillage. Et Tales Of Us s’est offert à moi comme une amante qui se dévêtirait patiemment.
Tout en préliminaires, en délicatesse, Tales Of Us ne cherche pas à précipiter ou à forcer les choses. Sa magie se construit dans le dépouillement. Les arrangements de cordes aériens et les guitares acoustiques langoureuses offrent un espace immense à la voix envoûtante d’Alison Goldfrapp, qui ne demande qu’à s’y engouffrer. La pureté, l’émotion de l’interprétation font le reste. A certains moments, j’ai l’impression de sentir le souffle d’Alison derrière ma nuque, comme si elle s’apprêtait à me susurrer quelques mots à l’oreille.
Aussi bien dans la volonté de ne pas mettre en avant un single que dans l’iconographie du disque, Tales Of Us a été conçu comme un ensemble cohérent, à la fois sobre et sophistiqué. Neuf des dix chansons de l’album ont pour titres des prénoms usuels. Autant de personnages de contes de fées ordinaires qui prennent vie, touchés par la grâce de Goldfrapp. En mot comme en cent : classieux.