Chaque année, c’est la même chose. Les beaux jours reviennent – on n’y croyait plus – et, inlassablement, on se répète qu’il y aurait mieux à faire que de rester emprisonné au bureau. Le nez collé à la fenêtre, comme un insecte piégé dans un verre, spectateur passif du défilé de tenues légères et colorées qui s’improvise dans les rues de la ville, on rêvasse. Les jambes nues d’une jolie cycliste font resurgir nos premières amours de vacances. Sa robe légère, dans laquelle s’engouffre un vent taquin, est un cerf-volant capricieux, échappant au contrôle de sa propriétaire. Les cris lointains des enfants, ivres de soleil, nous rappellent nos propres moments d’insouciance, loin des figures imposées de la vie d’adulte. Le vent de liberté qui souffle à l’extérieur vient glisser sur les vitres de notre cellule. En ouvrant la fenêtre, en fermant les yeux, on pourrait presque sentir les odeurs de saucisses grillées, de glace italienne et de crème solaire, synonymes de vacances. Mais, soudain, le téléphone interrompt notre rêverie. Un rendez-vous auquel on ne pensait plus. On referme le rideau grisâtre sur lequel se sont échouées nos belles illusions. On s’assure que notre nœud de cravate est toujours en place et, pour se rassurer, on se dit que c’est la vie, qu’on n’y peut rien. Mais, à la première occasion, on y retourne et, les yeux embués de larmes, on inspire à pleins poumons le parfum de ces heures envolées. Ce parfum estival, on le retrouve aussi dans le premier EP du groupe parisien Bel Plaine, sorti en février dernier.
Bel Plaine, c’est d’abord la rencontre fortuite de deux chanteurs. Deux voix dissemblables mais qui ont en commun ce même élan, cette même aspiration à la liberté. Bientôt rejoint par les trois autres membres, le groupe décide de mettre à l’épreuve sa cohésion en passant un mois entier dans une ferme du Lot. Pari gagnant puisque cette expérience fondatrice renforcera les liens entre les cinq musiciens. C’est dans ces conditions, en pleine nature, bercés par l’ambiance bucolique du lieu, que Bel Plaine enregistre les titres de son premier EP Present. Le disque retranscrit d’ailleurs très bien cette atmosphère de sereine effervescence sans, pour autant, tomber dans une naïveté excessive. Le bonheur présent porte déjà les germes de sa fin prochaine. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le morceau le plus réussi s’appelle Summer Ends, petit chef-d’œuvre de pop ensoleillée teintée de nostalgie, bien parti pour bercer mes longues soirées d’été. Romantique et moderne à la fois, portée par des harmonies vocales de haute voltige, la musique de Bel Plaine plonge l’auditeur dans un univers radieux et apaisant. On a l’impression d’être en Californie, sous un arc-en-ciel ; n’importe où où cohabitent rayons du soleil et chaleur humaine. Très en retard, ou un peu en avance, c’est l’été qui arrive. Il n’y a plus qu’à se laisser faire.