La première fois que j’ai croisé Liza Manili, c’était il y a sept ou huit ans. Jeune diplômé naïf et rempli d’illusions, je m’étais dégotté un boulot de sous-fifre dans une entreprise de presse qui publiait à l’époque un magazine culturel et un magazine consacré à la mode. Je complétais mon modeste salaire en me servant parmi les CD promotionnels que nous recevions régulièrement et en bénéficiant d’un accès permanent à la vie culturelle strasbourgeoise. L’usine à fantasmes qui turbine dans mon crâne fonctionnait alors à plein régime. Jeune et fringant célibataire, ou, du moins, peu enclin à la pratique d’une stricte fidélité, je me voyais déjà au bras d’une de ces jolies mannequins qui s’étalaient, légères et court vêtues, sur les pages du magazine et qui, parfois, déambulaient dans les couloirs, insouciantes de l’émoi que suscitaient leur galbe parfait et leur sourire angélique. Parmi toutes ces beautés, il en était une qui provoquait chez moi un trouble particulier. Son visage mutin, parsemé de taches de rousseur, son regard rieur et innocent, ses yeux de félin, ses lèvres rouges et charnues, Liza Manili présentait le dosage parfait de féminité assumée et de fragilité enfantine, incarnation parfaite de la Lolita de Nabokov. Et voilà qu’aujourd’hui, j’apprends, par un hasard facétieux, que de ces lèvres entrouvertes s’échappent de douces mélopées. Pas de doute, c’est bien la même. Un peu plus adulte – la lolita est devenue femme – mais, pour le reste, rien n’a changé. Toujours le même regard, toujours les mêmes grains de beauté que dans mes souvenirs sur papier glacé. Liza n’a rien perdu de son charme. Mais, désormais, c’est avec sa voix et ses mots que la belle sirène envoûte les marins égarés.
D’abord débutée en tant que mannequin et partagée entre Paris et Strasbourg, la carrière de Liza Manili va vite prendre un tour nouveau. Son amie, la chanteuse et comédienne Soko, qui l’héberge à Paris lors de ses allers-retours, l’emmène dans des agences de pub. Repérée et présentée à l’agent Sophie Barrois, la jeune femme fait quelques castings et obtient un rôle dans la série Petits Meurtres en Amis. Elle se lance dans la comédie en autodidacte, sans même avoir pris de cours. C’est comme ça que fonctionne Liza, à l’instinct, au gré des opportunités et des rencontres. Pareil pour la musique, c’est venu tout naturellement. Quelques belles rencontres plus loin (Daniel Marsala, Séverin), Liza s’apprête, après un EP remarqué, à sortir son premier album. Une sorte d’inventaire des sept années qui viennent de s’écouler dans lequel elle évoque ses souvenirs, des trajets Strasbourg-Paris en train Corail (Le petit Train) à la rencontre du grand amour (Le grand A). Un univers pop plein de fraîcheur et de sincérité, une voix douce et mélancolique et un immense potentiel de séduction, les premiers tubes de Liza Manili laissent entrevoir de belles promesses et imposent la jeune artiste comme l’un des plus beaux espoirs de la nouvelle scène française.