– Ça y est. Voilà encore autre chose, maintenant. Et on peut savoir pourquoi Môssieur n’aime pas la Fête de la Musique, peut-être ?
– Oh… il y a plein de raisons. La première, c’est qu’elle ne dure qu’un jour sur 365. Un seul jour où l’individu lambda est dehors à écouter de la musique alors qu’il en passe 364 à regarder Julie Lescaut ou des conneries du même genre sur TF1, c’est peu, non ?
– Si je te comprends bien, tu voudrais qu’il y ait de la musique dans les rues tous les jours de l’année ?
– Oui. Pourquoi pas ? Moi président, je déclarerais d’utilité publique la musique sur toutes les places, dans tous les villages. Les gens seraient heureux, l’anticyclone vaincrait la dépression et la crise ne serait plus qu’un lointain souvenir. Avec un peu de chance, ça éloignerait même les grincheux des centre-villes.
– Toi, président, on n’est pas dans le pétrin ! Tu serais fichu d’envoyer au goulag les fans de Daft Punk et de Fauve.
– Je mettrais de la musique, même dans les camps de rééducation.
– Ah oui, pas con ! Tu créerais la première dictature musicale…
– Cool. J’ai toujours rêvé d’être dictateur. Après musicien, c’était mon deuxième choix. Le bouton de l’arme nucléaire serait remplacé par le bouton Play de ma stéréo. Imagine deviendrait notre hymne international. Imagine… ça serait pop, non ?
– Rien que ça ? Et, sinon, dans la vraie vie ?
– Dans la vraie vie, je suis blogueur musical…
– Ah ouais, c’est pas plus mal, tout compte fait !
– Ah ouais, c’est pas plus mal, tout compte fait !
Le 21 juin, les badauds s’attroupent au centre du village. Ils sont là parce qu’on leur a dit que ce serait la fête, qu’il y aurait de la bière et des merguez, mais, à y regarder de plus près, combien se soucient vraiment de ce qui se passe sur scène ? Ce serait la fête à la saucisse, le résultat serait exactement le même. Cette année, sur la scène principale d’Illkirch, c’est Secretive qui s’y colle. En dépit de quelques petits problèmes techniques, la prestation du groupe strasbourgeois mérite bien mieux que l’indifférence généralisée et quelques applaudissements polis. Autant donner de la confiture à des cochons. Parce que Secretive est l’un des meilleurs groupes alsaciens, parce qu’ils ont un sens exceptionnel de la mélodie et parce qu’ils ont plus d’une corde à leur arc. Le duo électro-folk des débuts, en 2006, s’est mué en collectif pop à géométrie variable autour du chanteur-songwriter Antoine Villard. Bien sûr, il reste les harmonies vocales qui font la force du projet. Les voix féminine et masculine s’entremêlent ou se répondent, s’enroulent autour de mélodies d’une obsédante beauté. Dans les secrets murmurés, dans les confidences dans le creux de l’oreille, on trouve chez les Strasbourgeois la même évidence précieuse, la même simplicité radieuse que chez les Belges de Girls in Hawaï. La plupart des titres pourraient être joués en solo dans un salon ou sous un balcon. Et pourtant, quand Secretive prend des chemins plus tortueux, électriques ou électroniques, quand William Lamy se met à bidouiller ses machines, la magie est encore décuplée, l’alchimie totale. Les badauds ne comprennent toujours pas ou sont trop médusés pour réagir mais, moi, je suis déjà loin et je ne redescendrai plus. Depuis, perché sur mon petit nuage, j’écoute en boucle leur album, sorti l’année dernière. Je vole de Dream Away à In Touch with The Stars. Je me noie dans la pochette de l’artiste Ayline Olukman ou dans le clip de Who’s on The Radio. Et, dans ma tête, c’est la fête de la musique tous les jours !