Tous les matins, je me rends dans un endroit qui empiète considérablement sur mon temps de sommeil disponible. Comble de l’horreur, le lieu en question est peuplé de jeunes. Certains d’entre eux, plus inconscients encore que les autres, ont accepté de me laisser une tribune dans le journal qu’ils éditent. Annonçons tout de suite la couleur. Comme c’est probablement ma première et dernière contribution, j’entends y aller à fond. Jeune lecteur – et là, c’est le vieux con qui te parle – je connais tes préoccupations. Résumées sobrement (pour une fois !) par les amuseurs en chef à ces trois verbes simples : s’amuser, boire et baiser. Un programme qui mérite, si tu veux bien, qu’on s’y attarde quelques instants. J’ai vu tes photos sur les réseaux sociaux – on a huit heures par jour à tuer à l’administration – je n’ai aucun doute sur ta faculté à remplir les deux premiers tiers du contrat. Mais, en revanche, quand je vois ta tronche à un stade avancé de la soirée, je suis très dubitatif quant à ta capacité à atteindre la troisième mi-temps. Entre nous, ne le nie pas, tu en es le plus souvent réduit à t’amuser, boire et cuver. Que celui qui n’a jamais vomi me jette la première bière. Et qu’importe si la baise n’est souvent pour toi qu’un horizon lointain et hypothétique. Tous ces préliminaires dont on ne voit pas la queue avaient de toute façon pour seul et unique but de parler de cul. De cul, oui, mais pas n’importe comment : en musique ! Le cul dans la chanson française, voilà un beau sujet de mémoire, autrement plus sexy que, par exemple, “Réalisation d’un modèle de calculs et de simulation de marges dans une entreprise du secteur papetier”. La France, terreau historique, de la chanson coquine, grivoise ou paillarde a encore de beaux jours devant elle. Héritier de Brassens ou, à plus forte raison, de Gainsbourg, Renaud Papillon Paravel est le digne perpétuateur de cette farouche tradition gauloise.
J’ai découvert Renaud Papillon Paravel, lorsque, jeune étudiant en école de commerce, j’effectuais un stage sous-payé pour un magazine culturel strasbourgeois. A défaut d’être rémunéré à ma juste valeur, je me servais abondamment dans les placards à CD. C’est là que je suis tombé, par hasard, sur Subliminable, deuxième album du jeune prodige toulousain, puis sur le premier, La Surface de Réparation. Pour le fan de Gainsbourg que j’étais à l’époque, cette rencontre fortuite fut une véritable révélation. Dans les textes récités, parlés ou scandés de Paravel, je retrouvais non seulement le phrasé mais également la poésie, l’imaginaire, l’auto-dérision, le cynisme et la virtuosité du maître. La même obsession pour le sexe aussi avec notamment les très explicites lyrics de J’aime Tonku. Il n’est pas donné à tout le monde de chanter des paroles aussi crues sans tomber dans la vulgarité la plus crasse. Paravel a ce génie, à la fois du verbe et de l’orchestration, qui lui permet de tout faire passer avec classe. Baptisé “Papillon” en référence au dernier ours des Pyrénées, le toulousain est un artiste rare, indépendant, inclassable, qui trace son propre sillon entre chanson, rap, rock, électro, slam. Rétif aux catégorisations faciles et peu enclin à se faire mousser dans les médias, il a néanmoins su fédérer une poignée de fidèles autour de ses albums auto-produits. Le prochain, paraît-il est prévu, pour mars 2013. J’ai hâte. En attendant, je t’invite à écouter son dernier chef-d’œuvre en date, Ecris ça quelque part, sorti en 2011, avec le titre Belle Histoire d’Amour et ses paroles qui devraient t’aider à conclure en toutes circonstances. Avec ça, finies les tergiversations, c’est la baise assurée à toutes les fins de soirée. Tu verras, tu me remercieras bientôt…
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