A priori, Arnaud Fleurent-Didier avait tout pour m’agacer. Catalogué chanteur de droite, ce dont il se défend, après qu’il eût affirmé avoir voté pour françois Bayrou en 2007. Attitude branchouille de chanteur bobo parisien arborant une pseudo-mèche rebelle. Bellâtre érudit faisant étalage de ses connaissances littéraires et cinématographiques. Il était destiné, convenez-en, à finir en tête de gondole sur France Inter, à chanter des ritournelles pour des ex-soixantehuitards devenus cadres supérieurs.
Alors qu’est-ce qui a fait que cet album, La Reproduction, me trotte inexorablement dans la tête, au point de na plus pouvoir m’en passer? Passé le vernis bobo d’Arnaud Fleurent-Didier, il reste la douceur des mélodies et la qualité incontestables des textes. Car Fleurent-Didier se livre sans réserve dans les paroles de ses chansons et dresse un portrait sans concession de lui-même. La Reproduction est une sorte de fiction autobiographique, qui va du plus anecdotique (Risotto aux Courgettes) au plus intime (France Culture). Il est question de tranches de vie sentimentale parfois mais aussi des relations entre un fils et ses parents ou encore de l’influence des événement historiques contemporains dans le contexte familial. On se rend alors compte que Fleurent-Didier ne joue pas un personnage mais que, finalement, il est l’héritier d’une culture familiale que tantôt il assume et tantôt il récuse mais toujours avec beaucoup de sincérité et de recul. Cette vive sensibilité se retrouve aussi dans les mélodies entêtantes de l’album qui alternent mélancolie ambiante et envolées rythmiques et sur lesquelles il pose une voix douce, fragile, monocorde.
Voilà donc un beau et grand disque de chanson française qui brille finalement par son humilité. Fleurent-Didier provoque parfois mais, le plus souvent, il s’interroge, nous interpelle, observe finement le monde et ses évolutions sociales, politiques ou techniques. L’une des chansons (My Space Oddity) met en avant le fait que, malgré la multiplication des réseaux sociaux, nous n’en sommes pas moins seuls. Constat désabusé d’un artiste lucide sur son époque. A travers son histoire personnelle, c’est aussi sur nous-mêmes, jeunes citadins du 21ème siècle, que Fleurent-Didier nous invite à réfléchir…