“Il n’y a plus de repérage musical”, me disait récemment un bon ami qui, en cela, n’avait pas complétement tort. En effet, qui, aujourd’hui, fait l’effort d’aller fureter dans tous les coins de l’hexagone qui nous sert de pays pour dénicher les perles rares qui feront bientôt bicher vos écoutilles ébahies? Pendant que la grande presse musicale prend sa plus belle plume pour recopier le dossier de presse d’une comédienne anorexique qui déballe son petit filet de voix à qui veut bien tendre l’oreille, des musiciens géniaux jouent des symphonies fantastiques devant les trois poivrots du village. Et on voudrait que je ferme ma gueule? Non? Alors je continue. Oui, je suis énervé. Ami lecteur, toi qui aimes la grande musique, tu devrais l’être tout autant. C’est Mozart qu’on assassine, Gainsbourg qu’on balance dans le caniveau, Dylan qu’on réduit au silence. Heureusement, quelques-uns, malgré tout, passent par les mailles du filet médiatique et, à force de persévérance, arrivent sous les projecteurs. Mesdames et messieurs, saluez bien bas Bow Low, un groupe qui n’est pas issu de la haute mais de la Basse-Normandie, vainqueur des Inrocks Lab, qui, entre deux séances de touchage de nouille sur le disque de Lou Doillon, ont bien voulu leur accorder cinq lignes quand ils en mériteraient sans doute cinq cents.
Nouvel oiseau rare de la foisonnante scène normande, Bow Low est un OVNI à la trajectoire bizarroïde. Le quintette se fait d’abord connaître dans un registre punk avec, en 2008, l’album Rockelectricband, remarqué par le Mouv’ et le réseau Ferarock. Pourtant, c’est métamorphosé que le groupe réapparaît en 2011, avec l’EP What?. Sans rien perdre de sa force de frappe, Bow Low distille désormais un son plus aérien, plus psychédélique. Aux influences initiales sont venues se superposer d’autres strates, new wave ou western. Un laboratoire foutraque et labyrinthique dans lequel on se plaît à se perdre. Un univers en toute démesure dont il serait vain de vouloir sortir indemne. Il faudrait être fou ou paraplégique en effet pour refuser de laisser son corps s’animer aux rythmes de ces compositions percutantes, dansantes et indélébiles. De ce bazar bizarre et tortueux s’échappe une voix mange-cerveau qui, en anglais ou en français indifféremment, délivre des mantras surréalistes et psychotropicaux. Irrésistible. Ce sera très certainement le verdict qui prévaudra à l’écoute de leur deuxième album 30W 10W à paraître le 30 octobre prochain. Financé grâce à une campagne de “crowdfunding”, 30W 10W s’annonce d’ores et déjà comme l’un des disques à ne pas manquer en cette fin d’année. Préparez vous à une grande chevauchée effrénée dans des contrées lointaines et inexplorées. Si tout l’album est du même acabit que le premier extrait en écoute ci-dessous, ça risque bien d’être une expérience unique et inoubliable.