Photo : Flavien Prioreau |
Ami lecteur, je t’ai un peu délaissé ces derniers jours. J’avais la tête ailleurs. Et l’envie d’exposer ma première personne au soleil, loin des intempéries et des tempêtes de commentaires fielleux qui ont accompagné quelques-unes de mes dernières sorties. Besoin de faire le vide, de chasser les nuages de mon esprit. Parfois, la flamme vacille et, dans ces moments de doute, je me demande pour qui, pour quoi je fais tout ça. Une seule réponse possible : pour moi. Tous ceux qui écrivent le font d’abord pour eux-mêmes. Par envie, par besoin, par nécessité vitale. Ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs. L’écriture est par essence, égoïste, masturbatoire. Ceux qui ne m’aiment pas ont raison. Je suis un salaud, un menteur, un frustré, je place ma première personne du singulier sur un piédestal, je pète plus haut que mon culte du moi, je m’écoute écrire. Qu’on me laisse au moins ça, moi qui n’ai aucun talent pour la musique, que j’aime tant. Je suis frustré car mon sens du rythme est bancal et mes doigts gourds transforment en supplice la moindre partition. Alors j’écris, c’est tout ce que je sais faire. J’écris, avec maladresse souvent. Mais, sans ça, que serais-je ? Créature chétive et transparente, indigne d’intérêt, anonyme parmi la foule mollasse et étouffante. Je voudrais bien qu’on m’aime mais, au fond, je m’en fous. Si ce que je dis ne vous plaît pas, si je vous dérange, si je vous bouscule dans vos petites certitudes, tout cela m’est bien égal. Et puis, d’ailleurs, vous savez quoi ? Je vous emmerde. Voilà ce que je pense en coulisse.
En coulisse, c’est aussi le titre d’une chanson de Circé Deslandes que j’écoute en boucle depuis quelques jours. Circé Deslandes. Encore un pseudo bricolé de toutes pièces, du genre le nom de ton premier animal de compagnie + le nom de jeune fille de ta grand-mère ? Peut-être, mais pas seulement. Dans la mythologie grecque, Circé est experte en métamorphoses. Ça fait son petit effet. Ça vous a un air de mystère et de magie païenne qui détone avec le patronyme accolé, d’une épatante banalité. Circé Deslandes pourrait aussi bien désigner une poétesse du 19ème siècle qu’une actrice porno des années 80. Experte en métamorphoses, on vous dit. Comme, en ce 3 février 2013, où Cécilia H est morte pour donner naissance à Circé Deslandes. On lui donnerait le bon Dieu sans confession, à Circé, avec sa petite bouille d’étudiante ingénue et puis, sous ses airs de ne pas y toucher, elle balance ses “chansons vénusiennes” aux textes crus finement ciselés. Quitte à parler de cul, autant le faire avec classe et, pour chanter Ta Bite, il est sans doute préférable de tourner sept fois sa langue dans sa bouche. Quand on a ces mots-là au bord des lèvres, l’équilibre entre intimité et vulgarité devient fragile. Mais Circé, en funambule, tire sur la corde raide sans franchir l’envers du décor. Ses chansons, joliment lubriques, ne sombrent jamais dans la gaudriole. Pour mieux séduire l’auditeur, elles se parent de formes généreuses et de fantaisies salaces hautement désirables. Qu’en termes bien choisis ces choses-là sont dites. Et qu’elles le soient par une charmante jeune femme au regard malicieux, avouez qu’il y a de quoi s’enthousiasmer. Et dire que ce n’est qu’un amuse-bouche avant l’album Oestrogénèse, qui sortira l’hiver prochain. La fin d’année risque fort d’être moite et torride.