Hourra. Hourra. Ami lecteur, tu es prié de te réjouir. Le 19 novembre n’est pas seulement la Journée Mondiale des Toilettes. C’est aussi jour de liesse nationale en France. Tout ça parce que notre équipe de “balle au pied” a battu une autre équipe de “balle au pied”.
Je suis à peu près sûr que la moitié des téléspectateurs de TF1 seraient incapables de situer l’Ukraine sur une mappemonde. On a gagné, c’est tout ce qui compte, me dira-t-on en haussant les épaules. Pourtant, ils n’en menaient pas large, nos ballonnés en culotte courte. A Kiev, ils avaient passé une heure et demie à danser la danse locale. Avouez, Franck, Karim, que c’était autre chose qu’une partie fine avec poule de luxe.
Qu’en moins d’une semaine nos gugusses aient pu réapprendre de A à Z le maniement d’une sphère bondissante capricieuse me laisse extrêmement sceptique. A Kiev, à Dniepropetrovsk ou à Odessa, ils ont dû se demander si tout ça, c’était pas du pipeau. A mon avis, à l’heure qu’il est, ils en sont encore à descendre des bouteilles d’alcool local en refaisant le match. Mais laissons là les footeux, si tu veux bien. J’ai une autre musique à te proposer.
Profitant des tribulations de nos coqs sportifs, je me suis offert un petit périple sonore en terre ukrainienne. C’est à Odessa, au bord de la Mer Noire, que mon oreille a trouvé chaussure à son pied. Une pépite, âgée de 20 ans à peine : Nastia Vacuum.
Nous étions loin d’être faits l’un pour l’autre. Elle pratique une musique électronique dont je suis d’ordinaire peu friand, chante dans une langue qui m’est totalement étrangère. J’aurais pu cent fois passer à côté d’elle sans jamais l’entendre. Si j’avais su lire les chroniques dont elle fait l’objet, si nous utilisions le même alphabet, je me serais sans doute dit que ce n’était pas pour moi. Mais, miracle de la découverte musicale, la rencontre a eu lieu. Ça s’est passé le 18 novembre, à 23h13.
Depuis, je ne suis plus vraiment là. Un peu ailleurs, un peu perdu dans ce mélange d’immensité et d’intimité où Nastia Vacuum évolue. J’ai l’impression de voyager loin, très loin, vers des paysages nocturnes, presque lunaires. Mais j’ai l’impression, en même temps, d’être bloqué, jusqu’au bout de la nuit, tout seul devant mon ordinateur. Fenêtre ouverte sur le monde de 23 pouces. La musique de la jeune ukrainienne me renvoie à ma propre réalité, à ma volonté d’embrasser l’immensité mais aussi à cette forme de lâcheté qui m’empêche de le faire autrement que par le petit bout de la lucarne.
Les berceuses détraquées de Nastia Vacuum exercent sur moi un magnétisme indéniable. Comme si on me tendait un miroir. Comme si on regardait à travers moi. Il y a bien longtemps qu’une musique ne m’avait pas autant questionné, interpellé, remué. Comme quoi c’est quand on s’y attend le moins que les miracles se produisent…