3 minutes sur mer, le groupe de Guilhem Valayé, est de retour avec Catapulte, un très bel EP qui nous emmène en quête de mondes meilleurs
On pourrait rester là, immobiles, résignés. Ne rien faire que le strict nécessaire. Respirer comme des moteurs grippés, la poitrine soulevée à intervalles réguliers, métronomiques. Tic-tac, tic-tac. Attendre que quelque chose se passe. Attendre longtemps. Ne plus rien attendre. Lentement s’éteindre, s’effacer. Être. Ne plus être. Ne pas se poser de questions. Devenir un souvenir qu’on oublie avec le temps et puis, pschitt, plus rien.
On pourrait marcher droit devant. De toute façon, on connaît la fin. Le grand tunnel, la lumière qui vacille et puis, plus rien. On pourrait s’accommoder de presque rien, économiser son souffle, se recroqueviller. On esquiverait l’inconnu. Résignés, immobiles, dépourvus de désirs, on n’aurait plus peur de rien. Plus de mauvaises surprises non plus. Une longue ligne droite jusqu’à l’arrivée.
On pourrait faire le mort pour ne plus avoir à souffrir. Mannequins de cire aux gestes mécaniques, automates humains interchangeables, coincés dans nos vies de pacotille, n’attendant rien d’autre que le prochain interlude publicitaire. On pourrait s’amputer pour ne pas risquer de tomber en courant. Pour ne plus avoir peur des croche-pieds. On saurait s’en contenter, s’il le faut.
Mais alors l’amour, les rêves, nos plus belles tentatives n’existeraient plus que dans les chansons qu’on écouterait en cachette à la nuit tombée. Des chansons d’un autre temps, où tout était encore possible. D’un temps où on luttait encore contre l’état d’urgence. Dans ces chansons, il serait question d’hommes-projectiles lancés à l’aide de catapultes, de chemins qui mènent ailleurs et de cages qui s’ouvrent. Dans les mots résonnerait encore le désir d’être libre.
Ces chansons qu’on se passerait sous le manteau, ce seraient celles de 3 minutes sur Mer. Plus je les écoute et plus j’y perçois une forme de résistance. Aux lignes droites, à la banalité du quotidien, au manque de poésie. Aux heures sombres qui nous gagnent, à la haine de soi et des autres, Catapulte, le nouvel EP du trio, oppose une farouche soif de liberté. Il y a dans les mots comme un besoin impérieux de re-poétiser le monde, une envie de se dépasser, de s’extraire de sa torpeur pour aller “à une autre altitude”, “là où tout s’affole”.
A l’heure de confirmer les espoirs placés en lui avec Des Espoirs de Singes, le trio ne cède en rien aux sirènes de la facilité. Non seulement le chant de Guilhem Valayé est toujours aussi proche de la perfection. A fleur de peau et capable néanmoins de soulever les foules à la première étincelle. Mélancolique, intime et pourtant universel, il porte à bout de voix des textes qui offrent du rêve à tous ceux qui en ont besoin. Sans colifichets, sans effets de manche et sur des instrumentations sur mesure, ça touche juste à tous les coups et c’est beau. On n’en attendait pas moins mais on n’en demandait pas plus pour respirer de nouveau un peu mieux.