Ne pas se laisser happer par la monotonie, la routine, la grisaille. Partir, s’en aller, s’évader. Trouver des portes, des passerelles vers d’autres univers. Réalités parallèles, mondes oniriques, contrées féeriques. Entraîner ses sens à percevoir la magie. Voir ce qui, pour le commun des mortels, demeure invisible. S’exercer à entendre ce que d’autres nomment, avec une naïveté touchante, le silence. Se sentir pousser des ailes et voler, maladroitement d’abord, puis avec une assurance décuplée, au-dessus des préoccupations terrestres. Devenir, même pour un seul instant, cet autre que les rêves nous ont fait entrevoir par intermittences. Déchirer un à un les liens qui nous entravent et embrasser à pleine bouche cette liberté chèrement acquise. Ne plus se laisser attraper, brider, enchaîner. Ne plus se laisser réduire en esclavage. Faire tomber un à un les barreaux de la prison mentale dans laquelle la paresse et la docilité nous ont trop longtemps maintenus. Laissez moi passer une nouvelle fois de l’autre côté du miroir, là où tout est différent et merveilleux. Donnez moi, trafiquants de beauté, ma dose d’imaginaire. Emmenez-moi, dompteurs de notes, à dos d’instruments, dans les recoins insoupçonnés de l’esprit. Musiciens, passeurs de mondes, ne m’abandonnez pas à mon triste sort. Si la vie était un long fleuve tranquille, il n’y aurait pas de musique. Mais la beauté et la vérité sont ailleurs. Dans le chant d’un oiseau, dans les cordes d’une harpe, dans l’envol gracieux d’une mélodie fragile et enivrante. Dans les compositions de Milamarina.
Musiciens, passeurs de monde. La beauté est au bout des doigts de Marine, papillons voltigeant sur les cheveux d’ange d’une harpe. Telle une Orphée des temps modernes entraînant dans son sillage toutes les créatures, les arbres et les pierres, Marine est vite rejointe par Julien aux claviers et aux machines et Vincent à la guitare et aux percussions. Un heureux mariage des genres puisque le projet se nourrit des influences de chacun, mêlant habilement éléments organiques et électroniques. Sacré voyage que celui auquel nous invitent les trois compères. L’impression que toutes les limites sont prêtes à exploser, que tous les possibles sont ouverts. Les artistes, en France, qui font preuve d’une telle audace et d’une telle inventivité, se comptent sur les doigts de la main. Hormis peut-être Émilie Simon, je ne vois pas d’équivalent. Et encore, l’univers de Milamarina me paraît plus sensuel, plus chaleureux que celui de la montpelliéraine. Marine et ses acolytes sont des charmeurs de serpents qui embarquent l’auditeur corps et âme dans leur danse lascive. Atypique, étrange, envoûtant, le monde de Milamarina est un conte de fées peuplé de personnages étranges et de rêves alanguis. Une formule magique contre laquelle toute résistance est inutile. Fermez les yeux, laissez vous aller. Ça y est, vous êtes sous le charme. Oubliée la misère du quotidien, vous flottez dans l’air comme une bulle de savon au gré du vent. Combien d’artistes sont capables de vous procurer un tel sentiment de liberté ? Secret encore relativement bien gardé, Milamarina est l’un des projets les plus excitants à l’heure actuelle sur la scène française. Une jolie fleur prête à éclore. Un grand cru prêt à libérer tous ses arômes.